C’est l’hiver. Il fait froid dans les caves. Les vins se reposent. Les cristaux de “tartre”, eux, se posent au fond des cuves. La stabilisation tartrique commence. Mais comment être sûr qu’elle ne se termine pas en bouteille après la mise ? Et puis d'ailleurs, mis à part l’effet boule de neige dans la bouteille, est-ce que la précipitation tartrique change le vin ?
On vous dit tout sur la précipitation tartrique et sa stabilisation en moins de 3 min.
Pour commencer LA question philosophique : le dépôt tartrique en bouteilles est-il un gage de qualité ou un gros défaut ?
Pour répondre à cette question, une première précision : la précipitation tartrique ne représente pas une altération significative de la qualité organoleptique du vin. En effet, le principal changement, c’est le dépôt qui s’est formé.
Aujourd’hui, cette présence de cristaux au fond de la bouteille peut être rejetée par les consommateurs sur certains marchés : export, consommation rapide... Le système commercial contraint donc certains producteurs à faire en sorte d'éviter les précipitations tartriques en bouteilles. Pour garantir des vins stables, il existe alors des traitements et des stabilisants que nous verrons dans la suite de cet article.
A l’inverse, un consommateur plus averti pourrait associer la présence de cristaux au fond d’une bouteille à une absence de traitement. C’est alors un gage de qualité pour un consommateur qui valorise l’absence de traitement sur les vins.
Là où tout le monde se rejoint c’est sur les BIB. Les cristaux de tartre dans un BIB peuvent se coincer dans le robinet et le laisser légèrement ouvert … et un BIB qui goutte dans le frigo ça ne plaît à personne.
Dans tous les cas, la précipitation de tartre (et de matière colorante pour les vins rouges) au cours de l'élevage est inévitable. Le moteur principal est le temps. Plus on laisse passer de temps avant la mise en bouteille, moins il y a de chance de précipitation après la mise.
En fait, le but des traitements de stabilisation tartrique, c’est d'accélérer le temps.
Retour sur les bases : La précipitation tartrique, qu’est ce que c’est ?
Visuellement c’est ça :
Chimiquement (la plupart du temps) c’est ça :
...alias le Bitartrate de potassium.
L’acide tartrique et le potassium (ou plus rarement le calcium) des raisins cristallisent ensemble en fonction de nombreux facteurs : température, TAV, polyphénols, …
On parle de précipitation mais pour être plus précis il s’agit de cristallisation à la manière d’un flocon de neige. Le cristal se forme à partir d’un nucleus et va ensuite croître.
Les 3 moyens d'éviter la précipitation tartrique :
- Éliminer les sources de Potassium ou de Calcium
- Eviter la nucléation = apparition des cristaux
- Eviter la croissance des cristaux (les nuclei sont invisibles)
Il existe alors deux familles de procédés permettant de travailler sur la stabilité tartrique :
1. Les procédés physiques de stabilisation tartrique
Traitement par le froid
(avec ou sans ensemencement en crème de tartre)
Avantages :
- Efficace si bien réalisé : stabilisation définitive
- Pas d'intrant
- Assez bon marché (0,1-0,8€HT/hl, jusqu’à 6€HT/hl si fait à façon)*
Inconvénients :
- Fiabilité difficile à maîtriser
- Risque d’oxydation (Les quantités d’oxygène dissous peuvent être très importantes)
- Besoins en frigories importants
- Pour stabiliser vis-à-vis du calcium, il faut choisir une crème de tartre spécifique
- perte de volume = 1,5-2%
Électrodialyse
Traitement soustractif électro-membranaire qui élimine les ions responsables de la cristallisation.
Avantages :
- Respectueux du vin : pas d’intrant et pas effet durcissant en dégustation
- Pas d'intrant
- Fiabilité du résultat
- Stabilise vis-à-vis des 2 types de cristaux : Potassium THK et Calcium TCa
- Baisse du pH : 0,1 pour les rouges / 0,15 - 0,2 pour les blancs
- Pas de perte de volume (en comparaison à 1,5 - 2% via Traitement au froid)
Inconvénients :
- Coût élevé (entre 3 et 6 €/hl en prestation et ≈0,7€HT/hl en coût de fonctionnement hors coût d’investissement)*
- Non utilisable en bio
- Possible “retour” de couleur sur les rosés
2. Les inhibiteurs de précipitation tartrique
Acide métatartrique
La référence historique.
Avantages
- Simple d’utilisation
- Bon marché (entre 0,06 et 0,09 € / hl)*
Inconvénients
- Perte d’efficacité rapide avec le temps en fonction de la température de stockage : 2 ans à 10-12°C, 3 mois à 20°C et une semaine à 30°C …
- Efficacité variable selon les spécialités commerciales (selon l’indice d’estérification et le taux de réversibilité - pour plus d’info nous contacter)
Gomme de cellulose ou CMC (Carboxy Méthyl Cellulose)
De retour pour les rosés courant 2021.
Avantages
- Simple d’utilisation
- Assez bon marché (≈ 0,5 € / hl)*
Inconvénients
- Non utilisable sur vins rouges
- A utiliser sur vins blancs et rosé en connaissant le niveau exact d’instabilité grâce à une analyse de mini-contact
- Peu de recul sur les interactions avec le vin
- Ne stabilise pas vis-à-vis du calcium
- Limite d’efficacité sur fortes instabilités
- Peut troubler le vin en réaction avec la matière colorante de certains rosés (à stabiliser avec de la gomme arabique)
Mannoprotéines
Comparable à une stabilisation tartrique naturelle d’un élevage sur lies.
Avantages
- Simple d’utilisation
- Apport de volume en dégustation
- La dose pourra etre ajustée au mieux avec une étude sur un Checkstab (test ISS)
- Utilisable en bio
Inconvénients
- Augmentation de la turbidité en cas de surdosage : nécessité de réaliser des essais de traitement
- Limite d’efficacité sur fortes instabilités
- Ne stabilise pas vis-à-vis du calcium
- Prix élevé (5-7€HT/hl)*
Polyaspartate de potassium
Contrairement à certains autres inhibiteurs qui agissent tous sur la croissance des cristaux, le polyaspartate limite la nucléation.
Avantages
- Simple d’utilisation.
- Sur blanc et rosé, la dose pourra etre ajustée au mieux avec une étude sur un Checkstab (test de mini-contact).
- Utilisable sur vin rouge
- Assez bon marché (entre 0,4 et 0,8 € / hl)*
Inconvénients
- La stabilité de la couleur doit être réalisée avant utilisation
La précipitation de matière colorante assure le rôle de nucléation et contourne le rôle du polyaspartate de potassium.
- Ne stabilise pas vis-à-vis du calcium
Deux dernières choses à savoir avant de se lancer dans la stabilisation tartrique
1. Un assemblage de deux vins stabilisés peut être instable !
2. Il est important de réaliser un collage ou une filtration avant de réaliser un traitement.
Le mot de la fin avec le titre d’article que vous avez évité :
Précipitation tartrique = précipitation tragique ?
#jeudemotspourri
* Pour aller plus loin sur le sujet :
https://www.vignevin.com/pratiques-oeno/
Analyses oenologiques : une course dans la course des vendanges - ES20 Oenologie
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