Pour la suite de nos vendredis techniques et après le goût de souris, voici un état des lieux sur les Brett et leurs notes phénolées. Comment s’expriment-elles ? Pourquoi utilise-t-on le mot phénolé ? Comment les éviter ? Et quand il est trop tard, comment faire pour limiter l’impact sur le vin ? Comme à chaque fois, voici nos réponses de façon simple et compréhensible.
Les vins phénolés : seulement de l'écurie ?
Les expressions aromatiques sont multiples :
- Encre / Gouache
- Clou de girofle
- Sueur
- Cuir
- Ecurie
Mais aussi :
- Masque des arômes du vin
- Assèchement des tanins
D'où viennent ces notes aromatiques ?
Les molécules responsables sont les phénols volatils : Phénols par leur structure chimique et Volatils par leur capacité à se vaporiser donc à être perçu au nez.
Les 3 molécules principales sont les suivantes :
4-éthyl-phénol (a)
Odeur d’écurie.
Seuil de perception de 500 μg/l dans le vin.
4-éthyl-gaïacol (b)
Odeur de clou de girofle.
Seuil de perception de 100 μg /l dans le vin.
4-éthyl-catéchol (c)
Odeur fumée, camphrée.
NB : Dans les vins contaminés, on retrouve en général 10 fois plus d’4-éthyl-phénol que d’4-éthyl-gaïacol. Voilà pourquoi on parle de vin “phénolé”...
Ces phénols volatils sont produits en plusieurs étapes à partir de précurseurs déjà présents dans le raisins. Une des étapes de leur formation engendre la production d'intermédiaires appelés vinyl-phénol et vinyl-gaïacol qui ont des marqueurs olfactifs légèrement différents : Sparadrap, odeur de pharmacie ou gouache. Ces marqueurs sont donc à surveiller car pouvant être les signes avant-coureurs d’un début de contamination.
Les différentes étapes de transformations moléculaires sont principalement réalisées avec l’aide de ... Brettanomyces bruxellensis alias “Brett” pour les intimes.
Mais qui sont ces “ Brett ” et d'où viennent-elles ?
Comme les Saccharomyces sp., les Brettanomyces sp. sont des levures. Mais on parle cette fois de levure d’altération. Les Brettanomyces se retrouvent dans les jus et les vins soit par contamination des baies à la vigne, soit par contamination des jus et des vins à la cave.
Cependant, l’Institut Français du Vin a mis en évidence que les souches de Brettanomyces retrouvées dans les vins sont très majoritairement issues de contamination par le chai de vinification que directement depuis la vigne. Il est donc primordial d’avoir une hygiène de cave irréprochable...
Au delà de la formation de phénols volatils, le développement de ces levures peut être accompagné d’une montée d’acidité volatile.
Elles peuvent également être à l’origine du goût de souris (voir notre article sur le sujet), produire des puissants inhibiteurs de la FML (acides octa et décanoïques) ou encore des amines biogènes.
Autant de raisons de les surveiller de près.
Comment éviter les Brett ? Les mesures préventives !
Comme toujours, mieux vaut prévenir que guérir
Les Brettanomyces sont des levures opportunistes : elles ont besoin de peu de nutriments pour se développer, et peuvent profiter du déclin des autres espèces fermentaires pour se développer.
Il faut donc limiter toute les étapes qui pourraient lui permettre de prendre le dessus sur les autres populations de micro-organismes :
- Macération pré-fermentaire sans levurage
- Sulfitage excessif de la vendange car on retarde alors le départ en fermentation alcoolique (FA) puis malo-lactique (FML)
- Fermentations qui trainent (FA et FML)
- Délai important entre FA et FML
- Sucres résiduels en fin de FA (0,3g/l leur suffisent pour se développer)
- Macération finale à chaud
- Élevage sur lies sans sulfitage
Attention aux conditions favorables aux Brett :
- Vendanges à pH élevé (ce qui est de plus en plus le cas avec le changement climatique, il faut donc de plus en plus raisonner niveau de maturité et choix de cépages)
- Température élevée pendant l’élevage
- Apport d’oxygène (barriques, micro-oxygénation…)
- Teneurs insuffisantes en SO2 actif (ce qui est cependant aujourd'hui le cas pour la quasi totalité des vins en élevage)
Ainsi, l’objectif de ces mesures préventives est de maintenir la population à un niveau bas voire nul, afin d’éviter un traitement coûteux et pouvant dégrader la qualité du vin.
Suivi microbiologique
Au delà des mesures préventives, il est essentiel de réaliser un suivi. En effet, la connaissance de la quantité et de l’évolution de la population est primordiale pour déterminer l’urgence et la méthode d’intervention.
Nous réalisons au sein de notre laboratoire des suivis Brett d'élevage sur milieux de culture. Cette méthode que nous avons choisi représente aujourd'hui la référence qualitative à moindre coût. Il existe aussi de nouvelles techniques de détection qui peuvent être utiles en cas d’urgence. Nous sommes à votre disposition pour en discuter et vous proposer la méthode la plus adaptée à votre situation.
Eliminer les populations de Brett ?
Dès qu’une population importante (les seuils tolérés sont variables selon l’étape de vie du vin et son histoire) de Brettanomyces est décelée dans un de vos vins, il est indispensable de l’éliminer avant qu’elle ne produise les composés indésirables grâce à :
- Le chitosan (Oenovegan micro d’Oenofrance) :
C’est un polyoside extrait du mycélium d’Aspergillus niger (la moisissure noire sur les fruits). Pour agir, il se fixerait sur la membrane cellulaire des Brettanomyces induisant un fonctionnement anormal des cellules puis leur mort. Les molécules précipiteraient ensuite entre elles et entraîneraient les microorganismes. C’est un outil particulièrement intéressant sur les contaminations faibles à modérées des vins en cours d’élevage.
Précautions d’utilisation : L’efficacité du produit est fortement dépendante du contact entre le vin et le produit, entièrement insoluble et tombant rapidement en fond de cuve : il est indispensable de réaliser un brassage complet de la cuve traitée. Un soutirage final après 7 à 10 jours est obligatoire pour éliminer le produit et les lies, qui peuvent être la source d’une nouvelle contamination.
- La flash pasteurisation :
La flash pasteurisation est particulièrement efficace sur les fortes contaminations. Il convient de réaliser un soutirage quelques jours après traitement pour éliminer les levures mortes. Cette technique n’est pour l’instant pas autorisée par le règlement européen de vinification biologique (RCE203/2012). Ceci devrait être amenée à évoluer en janvier 2021, avec l’autorisation de chauffer jusqu’à 75°C (contre 70°C actuellement).
- La filtration tangentielle :
Cette technique est conseillée sur les contaminations faibles à modérées. Sur les contaminations fortes, il peut être difficile d’atteindre un résultat satisfaisant et la filtration doit alors être menée avec précaution (s’assurer de l’intégrité des membranes, pas de montée en pression, etc).
Et lorsqu’il est trop tard, comment traiter un vin phénolé ?
Lorsque malgré ces précautions, vous décelez des phénols volatils en dégustation, il existe quelques moyens pour fixer ces composés indésirables (collages), ou au contraire les masquer (boisage, etc…).
Enfin il existe un traitement physique de réduction des éthyl-phénols autorisé depuis 2014 (couplage nanofiltration et traitement sur charbon actif), mais pas en vinification biologique. Nous pouvons reprendre en détail ces solutions avec vous pour déterminer celle qui s’adapte le mieux à votre situation.
Rien n’est donc perdu…
nous pouvons toujours vous apporter une solution !
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