Levures indigènes : gestion des fermentations alcooliques

Pied de Cuve et levures Indigènes

Que ce soit pour répondre à l’intérêt croissant des consommateurs pour les vins plus “naturels*”, que ce soit par conviction, ou simplement pour gagner en complexité et en expression du terroir dans les vins, vous êtes de plus en plus nombreux à vous tourner vers les fermentations alcooliques en levures indigènes.

Les intérêts qualitatifs sont indéniables. Cependant, cette technique comporte aussi certains risques, notamment l’arrêt de fermentation ou l’apparition de déviations organoleptiques. Il convient donc de suivre certaines règles afin de la sécuriser. 

 

Voici notre focus sur un moment clé des vinifications :

Fermentations alcooliques en "indigènes" : Bonnes pratiques et pièges à éviter

Quelle différence entre levures du commerce (“LSA”) et levures indigènes ?

Levure commerciale vs levure indigene

Fondamentalement, il n’y en a pas ! (si on reste dans la famille des Saccharomyces bien sûr)

Les levures commerciales sont tout simplement des levures “sauvages” sélectionnées pour leurs bonnes capacités fermentaires (achèvement complet des sucres, faible production d’acidité volatile, faible production de SO2 ...), pour leur résistance à l’alcool et au froid ou encore pour leur caractéristiques organoleptiques (levures neutres ou aromatiques, production de glycérol …) On préférera donc parler de levures sélectionnées que de levures industrielles.

Par ailleurs, en France, les levures génétiquement modifiées (OGM) sont interdites.

Certains domaines souhaitent mettre en valeur les levures présentent sur leur terroir tout en sécurisant au maximum les fermentations. Ils passent alors par un processus (relativement onéreux et sur plusieurs années) de sélection des levures présentes à la vigne ou à la cave puis de mise en production par un fabricant de levure. Ces levures sont ensuite utilisées de la même manière qu’une levure sèche active (LSA) classique.

Quels sont les risques si on vinifie en indigènes ?

situation a risque

Un des risques principaux en indigènes, c’est la déviation microbienne (brett, souris, piqûres…).

Au delà des deux fondamentaux vendange saine & bonne hygiène en cave qui limitent la charge microbienne d’altération, la maîtrise des fermentations est cruciale.

 

La maîtrise des fermentations se résume en une phrase :

“Ne jamais laisser la place aux micro-organismes d’altération ”

  • Au démarrage : Occuper le terrain dès les premiers instants

→ Une solution en indigènes : le pied de cuve permet d'obtenir une population suffisante pour coloniser le milieu dès son incorporation tout en favorisant la sélection d'une souche robuste.

 

  • Pendant la FA : Fournir les bonnes conditions pour le déroulement de la fermentation alcoolique

Maîtriser la température de fermentation : stable (sans yoyo) et pas trop froid car les levures indigènes  n’aiment pas ça.

Suivre les fermentations de près : prise de densité et dégustation tous les jours et analyses régulières au laboratoire afin d’anticiper les problèmes et de réagir le cas échéant (apport d’oxygène, de nutriments azotés, gestion de la température...).

 

  • En fin de FA : c'est un autre travail qui commence et qui est fonction de vos objectifs...

Quelles sont les étapes clés pour mettre en place un pied de cuve ?

pieds de cuve au lit

Non... pas ce type de pieds !

Voici à quoi ressemble un pied de cuve dans son milieu naturel :

Merci Bruno !

Pied de cuve en cave

La mise en oeuvre du pied de cuve en levures indigènes ?

mise en oeuvre du pied de cuve en levures indigènes

Anticiper - Lancer le pied de cuve 3-8 jours avant de vendanger la parcelle

Respecter un volume minimum -  Mini 3% du volume de la cuve finale

Ramasser de la vendange saine - C’est un prérequis pour un bon pied de cuve ! (Trier si nécessaire)

Privilégier une phase liquide - Pressurage direct MAIS sans débourbage. 

Sulfiter (fortement conseillé) - 3-5g/hL

Maîtriser la température - 20-25°C

Surveiller la nutrition azoté - Azote assimilable = Mini 200 mg/L, voire plus selon le Titre Alcoométrique Potentiel

NB : si besoin de DAP (Phosphate Diammonique) : pas avant chute de densité 15 points

Contrôler la cinétique fermentaire - Chute de densité 20/30 points après 3-4 jours sinon on refait

Pourquoi sulfiter un pied de cuve en levures indigènes ?

Un bon pied de cuve c’est la garantie du bon déroulement de la fermentation alcoolique.

 

Les deux bienfaits d’un sulfitage :

 

  • Accélérer la sélection des souches de Saccharomyces présentes sur le raisin, qui sont relativement résistantes au SO2 et qui sont les seules levures capables de mener la fermentation alcoolique à son terme sans déviation

 

  • Contenir le développement des micro-organismes non désirés au sein du PDC
Pourquoi sulfiter un pied de cuve

Quel est l’impact d’un sulfitage du pied de cuve sur le taux de sulfites du vin fini ?

Impact sulfitage sur pied de cuve

Pour ce cas d’école, on sulfite un pied de cuve à 3 g/hL. Puis on l’utilise pour réaliser un ensemencement à 3% du volume final.

 

On obtient alors après dilution dans la cuve un taux de SO2 0,09 g/hL soit 0,9 mg/L !

Quelques chiffres pour mettre en perspective cette valeur de 0,9 mg/L :

  • Limite légale pour un vin “sans sulfites ajouté” = 10 mg/L 
  • Production directe en fonction de la souche de levure = de quelques mg à 100 mg/L
  • Limite légale européenne pour un vin bio sec (<2 g/L glucose-fructose) rouge = 100 mg/L
  • Limite légale européenne pour un vin bio sec (<2 g/L glucose-fructose) blanc = 150 mg/L

 

En fin de compte, l’impact du sulfitage du pied de cuve sur le taux de sulfites final est dans tous les cas infime.

Suivi et Contrôle avant incorporation du pied de cuve

Éviter les déviations organoleptiques (vernis à ongle, piqûre lactique, notes animales, …) - Déguster, déguster et déguster.

Limiter l’acidité volatile - Analyser régulièrement au labo

Piloter la densité - Incorporer entre 1050 et 1020 (mesurer la densité au moins 2 fois par jour car ça peut aller très vite !)

Limiter la différence  de température entre la cuve et le PDC - < 5°C (sinon passer par une phase d’acclimatation)

Suivi de la FA après incorporation du pied de cuve

  • Attention à la température

    (même si c’est aussi vrai en fermentation avec LSA)

    Trop bas on fermente mal voire on ne fermente pas du tout.

    Trop haut on perd en aromatique.

Suivi température FA
Regle ABC pour un pied de cuve en levures indigènes
  • Règle du A-B-C pour ensemencer d’une cuve à l’autre 

    PDC dans cuve A

    Cuve A dans cuve B

    Cuve B dans cuve C 

    Pas de cuve D on réalise un nouveau PDC !

Pour plus de détails pratiques, et pour l’adaptation du protocole en fonction de vos raisins et de votre matériel, on en discute lors de notre prochaine visite en cave.

 

* En 2020, le Syndicat de Défense des Vins Naturels a édité une charte, en vue d’une prochaine réglementation officielle (plus d’info ici). La charte permet l’utilisation d’un logo reconnu par la DGCCRF.